Le loup, le phoque et le lapin

Information grand public

Lorenzo Gordigiani - AVVISTIAMO

Il ne s’agit pas d’une fable comme le titre pourrait le laisser penser, mais d’une réflexion sur des parallèles souvent entendus.

 Lorsqu’on mentionne le retour éventuel du phoque, quelques interlocuteurs nous rétorquent « il ne manquait plus que çà ! Ne voyez-vous donc pas ce qui se passe avec l’ours ou le loup et les bergers ? ». Ce genre d’amalgame entre les problématiques engendrées par la présence de ces différents prédateurs mérite plusieurs remarques :

L’ours et le loup, étaient dans le passé les hôtes des espaces dans lesquels ils sont, à nouveau, présents. Mais l’ours comme le lynx ont été réintroduits alors que le loup est revenu sans le concours actif de l’homme, c’est de ce dernier cas que le retour spontané  du phoque est le plus proche. En effet s’il y a 30 à 40ans des programmes de réimplantation sur nos rivages de spécimens prélevés dans la colonie prolifique du Cap Blanc en atlantique, il n’y a plus depuis longtemps de projets de ce type en Méditerranée. Le seul rôle de l’homme envisagé pour le retour du phoque est passif et se cantonne à laisser faire et protéger simplement les animaux.

Concernant la comparaison des bergers et des pêcheurs face à la présence « nouvelle » d’un prédateur, une mise au point semble aussi nécessaire. Le loup, comme l’ours ou le lynx, posent des problèmes aux bergers et autres éleveurs en s’attaquant à leurs troupeaux. Le phoque s’attaque à la faune marine sauvage et pas à des animaux domestiques ou d’élevage. Parmi les relations de l’homme avec ces différents prédateurs, celle entre phoque et le pêcheur est plus à rapprocher de celle du loup, avec non pas le berger, mais le chasseur. Il s’agit dans les deux cas d’une concurrence pour le gain de proies sauvages, entre le loup et l’homme chasseur pour le gibier terrestre et entre le phoque et l’homme pêcheur pour leurs prélèvements au sein de la vie marine sauvage. Sur le plan quantitatif la population de loup est passé de 1 à 200 en 10ans dans certains départements français ; le cycle de reproduction du phoque comme les réserves orientales d’animaux pour une migration vers l’ouest ne permet pas d’envisager des augmentations de population même vingt fois moindres

Pour être complet on évoque le danger possible des prédateurs terrestres pour les êtres humains, notamment les plus faibles, enfants … A noter que le phoque n’est pas connu pour s’attaquer à l’homme. On déplore quelques accidents récents en Grèce mais dans tous les cas ils sont secondaires à une recherche de proximité déraisonnable de l’homme envers l’animal et non le contraire. On peut s’interroger sur l’image, tellement bienveillante, que renvoie le phoque, et sur les comportements humains qui consistent à s’approcher d’un animal sauvage de la corpulence et de la dentition semblables à celles d’un lion, et de surcroit dans un espace auquel il est bien mieux adapté ??

Il n’en demeure pas moins que le phoque pose un problème pour les pêcheurs là où il est présent, mais il convient d’en garder à l’esprit les proportions et de ne pas mélanger les situations. En regardant des reportages ou en lisant des articles à propos de la pression des pinnipèdes sur la ressource halieutique, dans certaines mers du globe, certains peuvent s’alarmer ou s’angoisse ! Plus que la Baltique ou la mer du Nord le cas du Golfe du Saint Laurent peut inquiéter tant les pêcheurs ont à souffrir des pinnipèdes . Hors il s’agit de quelques dizaines de milliers de phoques gris que le Canada a protégé il y a des dizaines d’années et qui sont plusieurs centaines de milliers à présent ; en Méditerranée il est question de spécimens à l’unité, voir en dizaines le problème se poserait donc dans un rapport de 1 à 1 000 voir 1 à 10 000.

Si en milieu terrestre les prédateurs étaient restés longtemps absents ou en nombre restreint pour les animaux domestiques comme sauvages,  il n’en vas pas de même en zone marine où les dauphins notamment concurrencent les pêcheurs. Le retour du phoque équivaudrait à un petit groupe de dauphins de plus sur zone, une  parie de l’année seulement. En discutant avec les pêcheurs grecs que concurrencent dauphins et phoques, ces derniers sont mieux tolérés car faisant moins de dégâts au matériel de pêche, que les cétacés.

De toute façon, afin qu’un nouvel épisode de coexistence entre les deux adversaires qu’ont été dans l’histoire le pécheur et le phoque soit le plus pacifique possible mieux vaut réfléchir en amont aux voies d’apaisement possibles.

Force est de constater que le nombre de pécheurs artisanaux a fortement décru ces dernières décennies en l‘absence de phoque. Mieux que les statistiques administratives ou les chiffres de l’IFREMER il suffit de constater ce spectaculaire déclin dans nos ports entre la situation d’il y a 30 ou 40 ans et celle actuelle. Hier opposés, le phoque et le pêcheur côtier sont à unir dans une préservation face à la sur-pêche, l’exploitation industrielle, la pêche illicite, la pollution … qui menacent leur survie. La protection de l’un comme de l’autre vont de pair. C’est dans cet optique qu’il faut envisager l’avenir des ces deux mammifères qui témoignent de la santé de la nature qui nous entoure.

En Grèce il semble que l’arrivée d’espèces exotiques envahissantes comme le poisson-lion ou le poisson lapin, à défaut de crabe bleu, pose plus de problème que le pinnipède présent depuis la préhistoire. Si le phoque moine revient il s’agira de la fin de l’entracte d’une pièce qui se joue depuis des millénaires, très différente de l’invasion, induite par le réchauffement climatique et les changements globaux,  de nouvelles espèces pour notre littoral

La densité estivale d’humains sur nos côtes, les pressions immobilières, touristiques sont les périls essentiels pour le retour de la présence du phoque moine sur nos rivages. Pour autant la prise en compte des relations avec les pêcheurs mérite, toute l’attention des défenseurs de ces animaux et de l’environnement.

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