Le loup, le phoque et le lapin
Information grand public

Il ne s’agit pas d’une fable comme le titre pourrait le laisser penser, mais d’une réflexion sur des parallèles souvent entendus.
Lorsqu’on mentionne le retour éventuel du phoque, quelques interlocuteurs nous rétorquent « il ne manquait plus que çà ! Ne voyez-vous donc pas ce qui se passe avec l’ours ou le loup et les bergers ? ». Ce genre d’amalgame entre les problématiques engendrées par la présence de ces différents prédateurs mérite plusieurs remarques :
Un retour Naturel :
L’ours et le loup, étaient dans le passé les hôtes des espaces dans lesquels ils sont, à nouveau, présents. Mais l’ours comme le lynx ont été volontairement réintroduits alors que le loup est revenu sans le concours actif de l’homme, c’est de ce dernier cas que le retour spontané du phoque est le plus proche. En effet s’il y a 30 à 40ans des programmes de réimplantation sur nos rivages de spécimens prélevés dans la colonie prolifique du Cap Blanc en atlantique, il n’y a plus depuis longtemps de projets de ce type en Méditerranée. Le seul rôle de l’homme envisagé pour le retour du phoque est passif et se cantonne à laisser faire et protéger simplement les animaux.
Concurrent plutôt que pilleur
Concernant la comparaison des bergers et des pêcheurs face à la présence « nouvelle » d’un prédateur, une mise au point semble aussi nécessaire. Le loup, comme l’ours ou le lynx, posent des problèmes aux bergers et autres éleveurs en s’attaquant à leurs troupeaux. Le phoque s’attaque à la faune marine sauvage et pas à des animaux domestiques ou d’élevage. Parmi les relations de l’homme avec ces différents prédateurs, celle entre phoque et le pêcheur est plus à rapprocher de celle du loup, avec non pas le berger, mais le chasseur. Il s’agit dans les deux cas d’une concurrence pour le gain de proies sauvages, entre le loup et l’homme chasseur pour le gibier terrestre et entre le phoque et l’homme pêcheur pour leurs prélèvements au sein de la vie marine sauvage. Sur le plan quantitatif la population de loup est passé de 1 à 200 en 10ans dans certains départements français ; le cycle de reproduction du phoque comme les réserves orientales d’animaux pour une migration vers l’ouest ne permet pas d’envisager des augmentations de population même vingt fois moindres
« Veau ou Boeuf « plutôt que loup Marin
Pour être complet on évoque le danger possible des prédateurs terrestres pour les êtres humains, notamment les plus faibles, enfants … A noter que le phoque, n’est pas connu pour s’attaquer à l’homme, ni dans des récits anciens ni dans des légendes.
On déplore quelques accidents récents en Grèce, mais dans tous les cas, ils sont secondaires à une recherche de proximité déraisonnable de l’homme envers l’animal et non le contraire. On peut s’interroger sur l’image, tellement bienveillante, que renvoie le phoque, et sur les comportements humains qui consistent à s’approcher d’un animal sauvage de la corpulence et de la dentition semblables à celles d’un lion, et de surcroit dans un espace auquel il est bien mieux adapté ??
Un prédateur parmi d’autres :
Si en milieu terrestre les prédateurs étaient restés longtemps absents ou en nombre restreint pour les animaux domestiques comme sauvages, il n’en va pas de même en zone marine où les dauphins notamment concurrencent les pêcheurs. Le retour du phoque équivaudrait à un petit groupe de dauphins de plus sur zone, une partie de l’année seulement. En discutant avec les pêcheurs grecs confrontés à la fois aux dauphins et aux phoques, ces derniers sont mieux tolérés car faisant moins de dégâts au matériel de pêche, que les cétacés.
Un préjudice prévisible pour une profession
En revanche si la chasse est avant tout une passion, un loisir, comme peut l’être la pêche. Les nuisances potentielles du pinnipède pour les activités des pêcheurs professionnels sont à prendre en compte, en priorité.
Le phoque pose un problème pour les pêcheurs là où il est présent, mais il convient d’en garder à l’esprit les proportions et de ne pas mélanger les situations. En regardant des reportages ou en lisant des articles à propos de la pression des pinnipèdes sur la ressource halieutique, dans certaines mers du globe, certains peuvent s’alarmer ou s’angoisser ! Plus qu’en Mer Baltique ou en mer du Nord, les témoignages des pêcheurs locaux du Golfe du Saint Laurent, peuvent inquiéter les pêcheurs méditerranéens. En un demi- siècle, le Canada a protégé quelques dizaines de milliers de phoques gris dont le nombre a été mutiplié par 25, pour représenter plusieurs centaines de milliers à présent. En Méditerranée il est question de spécimens à l’unité, voir en dizaines le problème se poserait donc dans un rapport de 1 à 1 000 voir 1 à 10 000.
Une problématique à anticiper
De toute façon, afin qu’un nouvel épisode de coexistence entre les deux adversaires qu’ont été dans l’histoire le pécheur et le phoque soit le plus pacifique possible mieux vaut réfléchir en amont aux voies d’apaisement possibles.
Force est de constater que le nombre de pécheurs artisanaux a fortement décru ces dernières décennies en l‘absence de phoque. Mieux que les statistiques administratives ou les chiffres de l’IFREMER il suffit de constater ce spectaculaire déclin dans nos ports entre la situation d’il y a 30 ou 40 ans et celle actuelle. Hier opposés, le phoque et le pêcheur côtier sont à unir dans une préservation face à la sur-pêche, l’exploitation industrielle, la pêche illicite, la pollution … qui menacent leur survie. La protection de l’un va de pair avec celle de l’autre. C’est dans cet optique qu’il faut envisager l’avenir des ces deux mammifères qui témoignent de la santé de la nature qui nous entoure.
L’indigène qui revient et l’invasion exotique :
En Grèce il semble que l’arrivée d’espèces exotiques envahissantes comme le poisson-lion ou le poisson-lapin, à défaut de crabe bleu, pose plus de problème que le pinnipède présent depuis la préhistoire. Ces nouveaux venus, inconnus de l’eco-système sont moins spectaculaires que de gros mammifères, moins médiatiques mais plus sournois. Si le phoque moine revient il s’agira de la fin de l’entracte d’une pièce qui se joue depuis des millénaires, très différente de l’invasion, induite par le réchauffement climatique et les changements globaux, de nouvelles espèces pour notre littoral.
Un défi parmi d’autres
La densité estivale d’humains sur nos côtes, les pressions immobilières, touristiques sont les périls d’une autre nature, indirects mais majeurs pour gêner le retour du phoque moine sur nos rivages. Les nuisances de ceux qui connaissent peu ou mal la Nature sont d’un autre registre que celui de ceux qui la connaissent le mieux au quotidien. Pour autant la prise en compte des relations avec les pêcheurs mérite, toute l’attention des défenseurs de ces animaux, de l’environnement mais aussi des activités humaines traditionnelles.

ACTUS
Explorez les articles : récits, rapports, projets…
La thématique du Phoque en Méditerranée vous intéresse ? Vous avez le choix d'être équipier en adhérant ou sentinelle.
