Reposoirs marins côtiers
Préservation des populations
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En essayant d’analyser ce que nous avions observé, nous pensons qu’il existe des lieux particuliers pour les phoques moines et proposons une théorie
Introduction (printemps ionien 2024)
Notre séjour ionien du printemps a permis seize rencontres, au moins six individus identifiés sur les onze cas exploitables en photo-ID pour seulement quatre lieux différents.
Des lieux particuliers
Un de ces endroits est particulier puisque situé devant une grotte, abritant quelques phoques et lors d’une rencontre brève.
Les trois autres, en revanche, présentent des similitudes notables. Bien que situés à quelques (5 à 10) kilomètres de distance les uns des autres, ils ont en commun :
– Une étendue réduite à quelques dizaines (voir centaines) de mètres carrés
– Une proximité de la côte, au contact de petites falaises rocheuses
– Des eaux peu profondes (une dizaine de mètres maximum) avec des fonds alternant roches et prairies de posidonies
– Distants de grottes les abritant (en en restant proches)
– Des lieux calmes ou tout au moins abrités des vagues et plutôt exposés aux courant marins (modestes en Méditerranée)
Les observations présentent elles aussi des caractéristiques semblables :
– un horaire en milieu de journée
– les animaux stationnaient plusieurs heures à ces points spécifiques. Ils plongeaient avec nonchalance, pour une dizaine de minutes, puis réapparaissaient à espaces réguliers pour quelques minutes.
– dans plus de la moitié des cas deux phoques étaient présents simultanément (un d’entre eux à été identifié , sur une durée de deux mois, à ces trois endroits remarquables, distants de plusieurs kilomètres les uns des autres, alors qu’un autre vu à trois reprises l’a été toujours dans le même lieu)
– lors de la présence de deux phoques, le rythme de leurs apparitions n’était pas synchrone, de ce fait il a fallu attendre que les deux spécimens soient en surface en même temps pour comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un seul individu qui réapparaissait après moins de 5 minutes. La photo Identification nous a permis de nous assurer qu’il y avait deux phoques maximum lors de nos rencontres
Il faut noter qu’au delà de nos rencontres personnelles, des témoignages nous avaient informé de ces lieux. Le premier est très connu depuis longtemps et appartient à un îlot sanctuarisé prochainement, le second m’avait été signalé par deux personnes différentes, qui y avaient croisé un phoque, alors que pour le dernier s’il avait été mentionné une seule fois avant no observations, il a été, le siège de plusieurs videos d’animaux ces dernières semaines, attestant d’une présence presque quotidienne malgré l’affluence touristique. Autant d’arguments en faveur d’endroits particuliers pour la présence régulière de Monachus monachus
Interactions humaines
Nous avons noté, que la présence proche du kayak n’a pas eu l’air de les affecter et nous n’avons pas noté de modification d’attitude ou de changement de rythme dans la séquence de leur apparition en surface, subjectivement puis objectivement lorsque nous les avons chronométrés. Si des embarcations passant à distance à grande vitesse semblent les avoir faits plonger, ils n’ont pas eu le même comportement pour la plupart des bateaux, bien plus proches, mais à la voile ou des navires à moteur locaux assez lents tels que des bateaux de pêche, la navette inter-ile …
Une hypothèse
L’ensemble de ces constatations nous amène à penser, que ces phoques se reposaient à la chaleur. Si on analyse cette attitude en la comparant avec celle des autres pinnipèdes – phoques commun (Phoca vitulina), gris (Halichoerus grypus),…. mais aussi otaries … sans oublier les M monachus de la colonie atlantique du Cap Blanc – qui passent de longues heures en milieu de journée à dormir ou se reposer sur le sable ou les rochers, on peut être amené à avancer l’hypothèse selon laquelle les phoques observés dormaient et se reposaient et que ces lieux remarquables correspondent à des reposoirs aquatiques, autrement dit des « reposoirs marins côtiers ».
Des témoignages de l’époque de la Grèce classique décrivent un comportement antique du phoque moine semblable à celui actuel des phoques gris, commun… il semblerait donc que pour éviter l’extermination par l’homme il ait du adapter ses séjours et pauses terrestres :
– en devenant cavernicole pour accoucher, allaiter et éduquer les jeunes les premiers mois de vie et se reposer à certaines périodes
– et en inventant ces reposoirs aquatiques en développant une aptitude des pinnipèdes pour en faire un habitude et un mode de repos plus inspiré de celui des cétacés, que de celui de ses congénères. Ces « reposoirs marins côtiers» (R.M.C.) sont distants des grottes, comme pour ne pas révéler l’existence de ces abris. Pourtant devant ou à proximité de certaines grottes des lieux semblent avoir les même caractéristiques que ces zones de sommeil aquatiques.
Argument historique
Quand on essaie d’étudier la présence historique, en l’absence de récit, certains noms de endroits sont des témoins de la présence passée des phoques. Certaines dénominations associées à la topographie des lieux sont explicites comme le grottes du veau marin (en Haute Corse et en Sardaigne côté Orosei comme San Pietro), des plagettes sauvages comme Cala Monaca (est Sardaigne)… des îlots rocheux isolée, sans cavité ni plage comme Isoletto monachi de l’archipel de La Maddalena, ou « les Moines » (corse du Sud) ont pu être des reposoirs rocheux. Mais il reste des emplacements, plus haut Fonds que récifs, dont l’appellation évoque bien la présence passée, sans qu’un abri terrestre classique soit repérable dans les parages ! Ne pourrait-il pas s’agir d’anciens « R.M.C » où les marins d’antan voyaient régulièrement des M monachus ?
Autres contributions
Des témoignages récents de plongeurs présentent un abord sous marin de ces espaces où les phoques se réfugieraient une dizaine de minutes dans des cavités sous marines à environ huit mètres de fond. Ces descriptions des fonds marins de ces « R.M.C » cadrent tout à fait avec ce que nous avons vu depuis nos kayaks en surface, et les courtes videos que nous avons obtenues en mettant nos cameras sous l’eau. On peut en rapprocher ce que décrit E Coppola à propos d’un phoque observé en Istrie, dans son livre « le mystère de la Méditerranée ».
Sur les réseaux sociaux on peut constater que les photographes animaliers, en mer ionienne tout au moins, ont des « coins à phoques » pour y capturer régulièrement de belles images, ne s’agit il pas encore de ces « R.M.C » à Céphalonie ?!!
Discussion :
Lors de notre courte expérience, les lieux appelés « reposoir marin côtier » nous ont semblé importants pour le bien-être de M. monachus. Leur étude sur une plus longue durée et une plus grande échelle géographique mériterait, à notre avis, d’être entreprise pour mieux appréhender leur existence réelle, leur importance, leurs caractéristiques plus précises ; en effet, il existe d’autres zones remplissant les critères que nous avons décrits, reste à savoir pourquoi le phoque choisi électivement ces endroits plutôt que d’autres, a priori semblables. Sont ils plus développés en mer ionienne ? À certaines saisons ? Autant dire que notre inculture scientifique en ce domaine ne nous permet pas de le savoir. Un travail biblio-graphique, la consultation et la lecture des publications à ce sujet seraient nécessaires.
Ne viennent ils en seconde place après les grottes dans l’ordre d’importance des lieux ciblés à épargner pour la conservation des phoques de Méditerranée et de leur bien être ?
Conclusion
En Mer Égée, les associations grecques et turques et en mer ionienne pour le MOm ont identifié et cartographié des grottes « reposoirs », aux côtés de grottes « marternité / crèches ». En France sur les rivages de la Manche et de la mer du Nord, les colonies et reposoirs sont recensés. Mais un répertoire de ces « R.M.C. », ou quel que soit le nom qu’on leur donne mériterait-il d’être entrepris ? Si ces lieux sont vraiment remarquables, ne faudrait-il pas les prendre en compte dans les zonages réglementaires des parcs marins projetés. Par exemple ces « R.M.C. » ne mériteraient-ils pas un niveau de préservation proche de celui les reposoirs terrestres côtiers pour d’autres pinnipèdes sur des rivages plus septentrionaux ?
Cette vision est elle juste ou simplement dictée par l’indignation d’un méditerranéen qui a l’impression, culturellement révoltante, que son voisin s’est vu obligé de faire notre sieste sacrée dans l’eau depuis 2 000ans, et que même en mer on vient l’y perturber et lui contester cette espace de farniente ? !?
Si nous avons vu juste nous pensons que ces «RMC» méritent l’attention, la nôtre est acquise et serions heureux de participer à tout projet les concernant pour lesquels le kayak peut être un moyen d’approche adéquat pour une collecte de données
ACTUS